- FERRALLITIQUES (SOLS)
- FERRALLITIQUES (SOLS)Sols des régions chaudes et humides de la zone intertropicale, les sols ferrallitiques (appelés autrefois latéritiques) montrent des profils peu différenciés, profonds (parfois plus de dix mètres), à horizons peu marqués et progressifs, de couleurs vives, avec une prédominance des teintes rouges et jaunes. L’accumulation en leur sein de produits de néo-formation alumineux et ferriques peut conduire aux cuirasses latéritiques et entraver ainsi la mise en valeur de ces sols, chimiquement pauvres par ailleurs.Caractères du profilLe niveau humifère superficiel est en général peu épais (de 10 à 15 cm), caractérisé par des teneurs faibles ou moyennes en matière organique bien évoluée. Il représente l’horizon A.L’horizon B sous-jacent, beaucoup plus épais, se distingue par la présence en abondance des produits de synthèse suivants: silicate d’alumine 1/1 (famille de la kaolinite) ou hydrate d’alumine (gibbsite, rarement bœhmite et produits amorphes), ou encore l’un et l’autre; hydroxydes et oxydes de fer (goethite, hématite et produits amorphes), et autres minéraux tels que leucoxène, bioxyde de manganèse, etc.L’horizon C est variable et dépend largement de la roche mère. Il est caractérisé par des matériaux totalement altérés et s’écrasant sous la pression des doigts. Sur les roches cristallines acides, l’altération est progressive sur plusieurs mètres d’épaisseur. Sur les roches basiques, pauvres en quartz, l’altération est complète sur quelques millimètres.Ces sols sont bien drainés. Cependant, il arrive qu’ils présentent des phénomènes de concrétionnement ou de cuirassement, lorsque le drainage est ralenti à certains niveaux (on distingue ainsi des carapaces , qui peuvent être brisées à la main, et des cuirasses , brisables seulement au pic).L’abondance de la pluie chaude détermine, en outre, l’apparition des caractéristiques physico-chimiques suivantes: une capacité d’échange faible, en raison des constituants kaolinitiques et des sesquioxydes; une quantité de bases échangeables faibles; un degré de saturation faible; un pH acide.Répartition et limitesOn trouve les sols ferrallitiques dans les régions intertropicales semi-humides et humides du globe, plus particulièrement en Afrique, en Amérique latine, en Australie, en Inde, dans le Sud-Est asiatique. On les reconnaît également en d’autres régions, mais sous des formes fossiles.Leurs limites, vers les régions moins humides, sont marquées par des sols ferrugineux tropicaux, des sols rouges fersiallitiques, des vertisols, des sols bruns subarides et divers solonetz. Il n’y a pas de limites vers les régions plus humides, sinon une tendance à la podzolisation avec, sporadiquement, l’apparition de podzols sur les roches les plus quartzeuses, ou, dans certains cas, de remontée d’une nappe dans les horizons supérieurs, comme en Guyane.Écologie, facteurs de formationLes sols ferrallitiques sont des sols des climats équatoriaux et tropicaux humides et subhumides. En climat équatorial, ils se développent sous des pluviométries supérieures à 900 mm/an; en climat tropical, sous des pluviométries supérieures à 1 200 mm/an, avec des nuances suivant la nature des matériaux originels, les roches basiques se ferrallitisant plus facilement que les roches acides. Les températures moyennes annuelles sont égales ou supérieures à 22 0C. Mais la caractéristique climatique fondamentale est la présence de fortes précipitations en saison chaude.Les sols ferrallitiques sont typiques des milieux forestiers. Si nombre d’entre eux supportent actuellement des peuplements de savanes, il s’agit toujours de faciès de dégradation liés à des phénomènes de remaniement superficiel importants (l’action de l’homme en est souvent responsable).Ils se développent sur les roches les plus variées, à l’exception des roches essentiellement quartzeuses. Il apparaît cependant que l’intensité de la ferrallitisation s’accuse avec la plus grande basicité des minéraux des roches, et leur moins grande cristallinité. Les verres et les cendrées volcaniques sont, à cet égard, très vulnérables.Toutes les formes du modelé sont favorables à la formation des sols ferrallitiques, à condition que le drainage externe et le drainage interne soient bien assurés. Mais ils sont associés surtout à un modelé de collines du type «semi-orange». Les pentes convexes sont la règle et matérialisent une évolution par dissolution.Ces sols, pour la plupart très âgés, sont particulièrement bien développés sur les vieilles plates-formes continentales. Certains ont subi leur évolution au cours de plusieurs dizaines et même de plusieurs centaines de millénaires, et montrent, par suite, la trace de processus polygéniques.Genèse et évolutionLa formation des sols ferrallitiques dépend essentiellement de processus d’altération qu’on groupe sous le nom de ferrallitisation. Sous l’influence de pluies chaudes et abondantes, la plupart des minéraux subissent des modifications aboutissant à leur décomposition complète. Les silicates sont totalement hydrolysés et les éléments cardinaux (Si, Al, Mg, Ca, K, Na) sont libérés et en majeure partie évacués. Au contact de l’eau ou par réaction entre eux, ces ions donnent naissance à des produits nouveaux. En particulier, la silice peut s’éliminer complètement ou se combiner à l’aluminium pour donner de la kaolinite. L’aluminium non combiné se sépare sous forme d’hydroxyde (gibbsite surtout, bœhmite rarement), la prédominance de la kaolinite ou de la gibbsite étant réglée par les conditions du drainage. Si celui-ci est bon, la silice est éliminée par les eaux et la gibbsite est abondante; si le drainage est moins bon, la silice est mal éliminée et la kaolinite domine. Le fer, réductible, complexable, est susceptible de déplacements plus importants et s’accumule sous forme d’hématite ou de goethite. Ainsi, par élimination différentielle d’un grand nombre de constituants (bases alcalines, alcalino-terreuses, d’une partie ou de la totalité de la silice), il se produit une concentration relative des constituants nouvellement formés dont les propriétés physico-chimiques marquent de manière fondamentale les sols ferrallitiques.L’épaisseur des matériaux néo-formés est variable, mais peut atteindre plusieurs mètres; la texture tend vers le pôle argileux; les teneurs en limon sont insignifiantes; quant à la structure, elle est généralement fine, le sol étant facilement friable à l’état sec.La disparition des minéraux des roches s’accompagne de celle des bases. Le complexe absorbant s’appauvrit en alcalins et alcalino-terreux et s’enrichit en ions H+ et Al3+, entraînant une acidification très nette (pH 4 à 6). La capacité d’échange est fournie par la kaolinite (moins de 10 milliéquivalents pour 100 g de sol); le degré de saturation s’abaisse, les réserves s’amenuisent avec la disparition des minéraux primaires.Le fer, sous forme d’hydroxydes, se fixe à la surface des argiles et, lorsque celles-ci sont saturées, il commence à «concrétionner». Cet élément est, avec le manganèse, le plus mobile. Il migre à travers les différents horizons soit verticalement, soit obliquement, et donne des concentrations locales absolues (argiles bariolées) qui s’indurent quelquefois sous forme de concrétions ou de cuirasses (latérites).Il tombe à la surface du sol une quantité importante de matière organique, qui se transforme rapidement sous l’action combinée de l’humidité et de la température. Ses teneurs dans le sol sont ainsi, en général, peu élevées. La vie animale est intense et assure un brassage efficace de la partie supérieure – par les vers, les termites, les fourmis, etc. –, avec perte d’argile.Aux processus généraux propres aux milieux ferrallitiques se superposent parfois des processus secondaires:– les effets de l’altitude ou la présence de roches mélanocrates, riches en bases alcalino-terreuses, augmentent les teneurs en matière organique et l’épaisseur de l’horizon humifère;– le dessèchement des profils (changements climatiques, modification des peuplements arborés) favorise le développement d’une structure compacte qui réduit le drainage des horizons supérieurs;– l’augmentation des précipitations sur roches acides fait apparaître des processus de dégradation de type podzolique;– l’apparition de niveaux d’engorgement temporaire à des profondeurs variables provoque la formation d’horizons concrétionnés et cuirassés;– le décapage des horizons meubles de surface par érosion hydrique amène la mise à l’affleurement des horizons riches en concrétions et des cuirasses et, dans certains cas, favorise la formation de carapaces;– l’entraînement d’argile dispersée des horizons supérieurs donne lieu à un processus d’appauvrissement de ceux-ci, ou, si son accumulation se produit à faible profondeur, à un processus de lessivage; cet entraînement peut se produire latéralement à faible profondeur (Boulet-Guyane).ClassificationTrois sous-classes sont habituellement distinguées:– les sols ferrallitiques fortement désaturés sont caractérisés par des bases échangeables très faibles (1 mEq/100 g de sol), un degré de saturation très faible (20 p. 100) et un pH très acide (5,0);– les sols ferrallitiques moyennement désaturés sont caractérisés par des bases échangeables faibles (de 1 à 3 mEq/100 g), un degré de saturation moyen (de 20 à 40 p. 100) et un pH voisin de 5,5;– les sols ferrallitiques faiblement désaturés sont caractérisés par des bases échangeables de faibles à moyennes (de 2 à 8 mEq/100 g), un degré de saturation variant de 40 à 80 p. 100, un pH compris entre 5,5 et 6,5. Une quatrième sous-classe doit être ajoutée pour les sols ferrallitiques non ou peu désaturés (Cuba).Pour chaque classe, on distingue des groupes typiques, des groupes humifères, des groupes lessivés (et éventuellement podzolisés), des groupes indurés ou concrétionnés (ou les deux à la fois), des groupes appauvris (l’enlèvement de l’argile de l’horizon A ne s’accompagne pas d’accumulation corrélative en B), des groupes remaniés.En 1979, P. Segalen améliore les définitions en précisant les caractéristiques minéralogiques de ces sols qu’il dénomme fermonosialsols . Mais les difficultés de l’emploi de ces classifications en cartographie des sols amène Y. Chatelin, dès 1972, à développer un système d’approche du terrain s’appuyant sur une terminologie typologique propre aux milieux ferrallitiques, dont les principaux termes sont huit horizons moyens: appumite, struchtichron, stérite, gravolite, gravelon, retichron, réducton, altérite qui, combinés, permettent de mieux cerner la couverture pédologique dans son contenu spatial.Valeur agronomiqueLes sols ferrallitiques sont chimiquement très pauvres; seul l’horizon humifère de surface présente une certaine valeur. On constate de très importantes carences en calcium, en magnésium et en potassium. Les carences en acide phosphorique sont surtout marquées sur les roches granitiques. Les carences en azote sont fréquentes par suite d’un très fort lessivage des nitrates et de la minéralisation rapide de l’azote organique. Elles sont d’autant plus prononcées que le milieu est plus acide pour des teneurs en matière organique comparables.Les caractéristiques physiques sont un peu plus favorables: stabilité, structure assez bonne, perméabilité de moyenne à élevée en surface, parfois plus faible en profondeur. Un facteur limitant est la présence possible, à faible profondeur, d’horizon caillouteux, de concrétions ou de cuirasses qui s’opposent à la pénétration des racines.Les sols ferrallitiques conviennent à la plupart des cultures tropicales pérennes (palmier à huile, cacaoyer, caféier, hévéa, boisements divers, etc.). En revanche, ils sont moins favorables aux cultures annuelles qui les sensibilisent aux dangers de l’érosion par l’eau.
Encyclopédie Universelle. 2012.